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J’ai décidé de publier une note dénonçant le mode de calcul de l’incidence du congé de maternité sur le droit à congés payés annuels des enseignants-chercheurs et qui propose une autre méthode de calcul plus conforme au droit.

Cette note, rédigée en faveur des enseignants-chercheurs, vaut d’ailleurs également pour les personnels BIATOS victimes de discriminations comparables.

Je souhaite qu’au travers elle la question puisse avancer dans tout l’enseignement supérieur et que le Ministère de tutelle prenne enfin la mesure de la situation, et modifie en conséquence ses méthodes de calcul.

 

Jusqu’à présent, l’incidence de la maternité sur le service statutaire des enseignants-chercheurs était appréhendée par une note de service en date du 7 novembre 2001.

 

b) congé de maternité

Le tableau de service d’une enseignante qui va bénéficier d’un congé de maternité ne doit pas répartir l’ensemble du service statutaire pendant sa seule période de présence. Une telle répartition revêtirait en effet un caractère manifestement illégal. Tout tableau de service qui méconnaîtrait ce principe serait susceptible d’un recours devant le juge administratif. En tout état de cause, si le congé intervient en totalité pendant la période d’enseignement, les obligations de service de l’enseignante ne devraient pas correspondre à plus de la moitié de son service annuel, ou d’un cinquième, en cas de congé de maternité d’une durée de 26 semaines (à partir du troisième enfant). En cas de naissances multiples, l’intéressée ne devra effectuer aucun service d’enseignement dans la mesure où cette période de congé est, en principe, supérieure à la durée de l’année universitaire. Si le congé intervient en partie sur l’année universitaire, il convient d’appliquer la même règle de proportionnalité en effectuant cependant, un prorata au regard de la période de congé qui est imputable sur la période d’enseignement. Il convient, s’agissant du congé pour adoption, de procéder de façon identique.

 

Cette méthode présentait un double inconvénient.

En premier lieu, elle introduisait une différence de traitement entre les femmes selon la date de leur accouchement, celles qui avaient la chance d’accoucher en pleine année universitaire bénéficiant d’une réduction de service importante, alors que celles qui accouchaient en pleine période estivale ne pouvaient bénéficier que d’une réduction très limitée, voire nulle.

En second lieu, les collègues accouchant pendant la période des congés payés annuels se voyaient discriminées par rapport aux hommes qui, en toute hypothèse, bénéficient toujours pleinement de ces congés.

 

2. Affirmation du principe du cumul du congé de maternité et des droits aux congés payés annuels

C’est pour toutes ces raisons que la Cour de Justice des communautés européennes a affirmé, en 2004, que la salariée en congé de maternité devait bénéficier d’un report intégral de ses congés payés annuels, et ce afin qu’elle puisse bénéficier pleinement de l’un et de l’autre, sans confusion possible (CJCE, 18-03-2004, aff. C-342/01, María Paz Merino Góme c/ Continental Industrias del Caucho SA, section 2).

Il n’est pas inutile de reprendre ici les éléments justificatifs de cette décision qui éclairent parfaitement les raisons de cette interprétation de la directive 93/104 qui s’applique, faut-il le rappeler, aux travailleurs du secteur privé comme du secteur public (art. 1-3).

-        Le fait que « Le droit au congé annuel payé de chaque travailleur doit être considéré comme un principe du droit social communautaire revêtant une importance particulière, auquel il ne saurait être dérogé et dont la mise en oeuvre par les autorités nationales compétentes ne peut être effectuée que dans les limites expressément énoncées par la directive 93/104 elle-même » (§ 29) ;

-        Le fait que « ladite directive consacre en outre la règle selon laquelle le travailleur doit normalement pouvoir bénéficier d'un repos effectif, dans un souci de protection efficace de sa sécurité et de sa santé » (§ 30) ;

-        Le constat que « La finalité du droit au congé annuel est différente de celle du droit au congé de maternité. Ce dernier vise, d'une part, à la protection de la condition biologique de la femme au cours de sa grossesse et à la suite de celle-ci et, d'autre part, à la protection des rapports particuliers entre la femme et son enfant au cours de la période qui fait suite à la grossesse et à l'accouchement » (§. 31).

 

De ces éléments la CJCE conclut que « L'article 7, paragraphe 1, de la directive 93/104 doit donc être interprété en ce sens que, en cas de coïncidence entre les dates d'un congé de maternité d'une travailleuse et celles des congés annuels pour l'ensemble du personnel, les exigences de la directive relatives au congé annuel payé ne sauraient être considérées comme remplies. » (§. 33).


            Cet arrêt a été immédiatement suivi d’un revirement de jurisprudence opéré par la Cour de cassation s’agissant des salariés du secteur privé, la Haute juridiction ayant considéré que « les congés annuels doivent être pris au cours d'une période distincte du congé de maternité » (Cass. soc., 2 juin 2004, n° 02-42.405, société Meubles Wieder c/ Mme Mercédès Duret), ce qui consacre le principe du droit au cumul du congé de maternité et des congés payés annuels. Ajoutons d’ailleurs que dans le principe du cumul a été étendu ultérieurement au salarié placé en congé maladie, que celle-ci présente d’ailleurs ou non un caractère professionnel.

 

 

3. Incidences sur le calcul de l’impact du congé de maternité sur le service d’heures d’enseignement

 

Il nous semble que ces principes fondés sur la directive 93/104, devenue 88/2003 (art. 7-1 concernant les congés payés annuels), ainsi que le principe d’égalité de traitement entre les femmes et de non-discrimination entre les femmes et les hommes, imposent d’écarter les « règles » qui gouvernent aujourd’hui la question de l’articulation du congé de maternité et des congés payés annuels.

Il convient par ailleurs de constater que la note de service de 2001 est antérieure à la refonte du décret-statut des enseignants-chercheurs intervenue en 2008, et qu’elle n’a d’ailleurs même pas la nature juridique d’une circulaire.

Le décret modifié n° 84-431 du 6 juin 1984 décompte désormais la durée de travail des enseignant-chercheurs comme celle des salariés du secteur privé, et comme celle des autres fonctionnaires, c’est-à-dire sur la base d’une année civile de douze mois.

L’article 7 du décret statut, modifié par l’article 5 du décret n° 2009-460 du 23 avril 2009, dispose en effet que «  I.-Le temps de travail de référence, correspondant au temps de travail arrêté dans la fonction publique, est constitué pour les enseignants-chercheurs : 1° Pour moitié, par les services d'enseignement déterminés par rapport à une durée annuelle de référence égale à 128 heures de cours ou 192 heures de travaux dirigés ou pratiques ou toute combinaison équivalente en formation initiale, continue ou à distance. Ces services d'enseignement s'accompagnent de la préparation et du contrôle des connaissances y afférents. Ils sont évalués dans les conditions prévues à l'article 7-1 du présent décret ; 2° Pour moitié, par une activité de recherche reconnue comme telle par une évaluation réalisée dans les conditions prévues à l'article 7-1 du présent décret. ». Or, Le temps de travail dans la fonction publique, selon l’article 1er du décret n° 2000-815 du 25 août 2000, est fixé à 1607 heures maximum par an.

 

Pour que les enseignants-chercheurs bénéficient dans l’année de leur congé de maternité et de leurs congés payés, il nous semble qu’il est impératif de mesurer l’impact du congé de maternité sur les obligations de service fixées désormais de manière annuelle, et d’un déduire une réduction proportionnelle des heures d’enseignement.

 

L’article 34 de la loi statutaire n° 84-16 du 11 janvier 1984 renvoie pour les fonctionnaires aux dispositions du Code de la sécurité sociale sur le congé de maternité.

 

Il convient donc de prendre la durée du congé de maternité auquel la femme a droit, et de ramener cette durée sur l’année civile de cinquante deux semaines.

 

Ainsi, pour un congé de 16 semaines, la salariée doit bénéficier d’une réduction proportionnelle de sa charge annuelle de travail de 16/52, soit, s’agissant de l’impact sur le nombre d’heures de cours statutaire de 128, d’une décharge de 39,38 heures, que l’on peut arrondir à 40 heures.

 

Certes, cette nouvelle méthode de calcul, applicable également à toutes les femmes, quelle que soit leur date d’accouchement, et qui préserve intégralement le droit aux congés payés, entrainera une augmentation de la dispense de services de certaines (celles qui accouchaient en dehors de l’année universitaire) et une diminution pour les autres (celles qui accouchaient en pleine période universitaire).

 

Mais seule cette méthode permet de sauvegarder le droit aux deux congés et le principe d’égalité.

 

 

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